Petit tour en Camargue pour assister à une ferrade. C'est sous le regard bienveillant de notre hôte que nous avançons sur le terrain où se déroulera l'action.
Les gardians viennent nous saluer au grand galop avec arrêt in extremis.
Le directeur de l'Institut allemand des infections, Helmut Fickenscher, montre une culture de la fameuse bactérie Eceh. PHOTO MAXPPP |
"Le concombre espagnol mis hors de cause, on se demande pourquoi l'Allemagne n'explore pas davantage la piste sur son propre sol. Le nombre de morts - 18 hier au soir, en fin d'après-midi, dont 17 en Allemagne - est surtout lourd chez notre voisin d'outre-Rhin, où le décès d'une femme de 81 ans a été annoncé à Hambourg.
Le 24 mai, ce sont les autorités sanitaires allemandes qui révèlent avoir constaté depuis le début du mois une multiplication des affections dues à la bactérie Escherichia coli (Eceh), qui provoque des hémorragies du système digestif. On sait que l'infection se contracte par la consommation d'aliments ou d'eau contaminés. Les bovins ou les ovins peuvent contaminer tout leur environnement avec leurs déjection et les légumes peuvent l'être par irrigation.
Quant à la bactérie, elle a été identifiée comme une souche rare de la bactérie Eceh, résistante aux antibiotiques. Dans les cas les plus graves de l'infection qu'elle propage, celle-ci dégénère en syndrome hémolytique et urémique (SHU), qui entraîne une destruction des cellules sanguines ainsi que des atteintes rénales.
Les autorités sanitaires allemandes identifient trois concombres espagnols comme vecteurs de la transmission. Et le 31 mai, alors que Berlin annonce son 15e décès, une femme meurt aussi en Suède après un séjour outre-Rhin, tandis que l'Espagne détecte un cas hautement suspect chez un homme rentrant d'Allemagne."
"Le commissaire européen John Dalli presse l'Allemagne de redoubler d'efforts afin d'identifier la source de la contamination, estimant que « le foyer de l'épidémie est limité à la zone de Hambourg ».
Un vent de panique commence à souffler sur l'Europe. Chez les maraîchers, qui assistent à la chute de la vente des concombres et à une méfiance qui se généralise. Le Premier ministre espagnol tonne contre cette mise à l'index et réclame des dédommagements pour les préjudices subis. Mais les Pays-Bas, l'Allemagne et le Portugal réclament aussi des aides pour leur agriculture, plusieurs pays européens ayant cessé d'acheter des fruits et légumes et la Russie ayant décrété un embargo sur les légumes en provenance de tous les pays de l'Union européenne.
De leur côté, les scientifiques se démènent. Les chercheurs allemands planchent depuis des jours sur des centaines d'échantillons. Le laboratoire du professeur Alfredo Caprioli, en Italie, spécialisé dans la bactérie Eceh, essaie de mettre au point des méthodes efficaces de contrôle des aliments et a commencé à transmettre des modèles de protocole d'urgence."
"Le professeur français André Picot, toxicologue de haute volée, suggère dans une interview (lire ci-dessous) une autre explication, dont il dit lui-même qu'elle est « folle ». Il se demande si les forages concernant les gaz de schiste qui viennent de commencer en Basse-Saxe n'ont pas quelque chose à voir avec cette épidémie.
Il est vrai qu'il a créé une association (ATC) à la frontière entre toxicologie et chimie et qu'il vient de publier un rapport sur les gaz de schiste, où il explique ce que dégage leur extraction et pourquoi il existe des pluies d'oiseaux morts."
"Il n'y a pas que les aliments qui soient toxiques. La bactérie tueuse Eceh est une bactérie commune qui n'est pas pathogène, que l'on trouve partout et qui peuple nos intestins. Elle est d'ailleurs éliminée par eux et se retrouve dans les selles, donc dans le sol et dans l'eau. Et la contamination par le sol et par l'eau est aussi importante que par les légumes et les fruits. De plus, il peut s'agir d'une mutation de la bactérie qui n'a pas été encore détectée et qui multiplie par deux le risque pathogène. La mutation peut être due à la présence d'antibiotiques ou à l'irradiation."
"Une théorie folle pour laquelle je n'ai aucune preuve. Le foyer de départ semble être la région de Hambourg. Or l'Allemagne, où Exxon Mobil détient des baux sur 750 000 hectares dans le bassin inférieur de la Saxe (Basse-Saxe), commence à y extraire du gaz de schiste. On sait que ces forages rejettent de grandes quantités d'eau en surface qui, si elle n'est pas traitée convenablement avant de se retrouver dans l'environnement, peut générer des pollutions conduisant à des problèmes sanitaires. Et, contrairement aux Américains, les Allemands n'utilisent pas de biocides. Ceux-ci sont des pesticides à usage non agricole dont la substance active exerce une action contre les organismes vivants dits « nuisibles » (1). Nous avons des collègues qui suivent ce type d'actualité allemande, notamment en Pologne.
Nous vivons théoriquement dans un monde très aseptisé. La chaîne du froid fonctionne bien, et les risques de contamination sont limités."
"Des microbiologistes, pas des chimistes. Si on analyse l'eau issue des fractures, on s'aperçoit qu'elle sort très acide et que, au fur et à mesure qu'elle remonte, des bactéries remontent aussi. Mais on peut aussi les neutraliser. Les plus capables dans ce domaine sont les gens de l'Institut Pasteur et les Américains."